CECI n'est pas EXECUTE Histoires de soi, histoires des autres : questions de traduction et d’historiographie

Les ateliers du quinquennal 2014-2018 |

Histoires de soi, histoires des autres : questions de traduction et d’historiographie

Histoires de soi, histoires des autres : questions de traduction et d’historiographie

Coordination : Corinne Lefèvre et Inès G. Županov

 

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Le présent atelier de recherche a pour objectif d’approfondir et de réorienter deux angles de réflexion concomitants qui avaient été au coeur de l’équipe « Constructions du passé de l’Asie du Sud : cultures historiques sud-asiatiques, savoirs orientalistes, sciences sociales (XVIe-XXIe siècles) » (coord. C. Lefèvre et I. G. Županov) du précédent quadriennal.

Visant à mettre à jour une archéologie de la fabrication des savoirs et de la construction des communautés savantes dans l’Asie du Sud de la première modernité, le premier angle avait particulièrement insisté sur le rôle crucial joué dans ce domaine par les interactions entre différentes traditions épistémiques. Pour ce faire, nous étions parties d’une analyse des formes dialogiques de médiation culturelle dans leur double dimension littéraire et pratique avant de nous interroger plus avant sur un des concepts clé qu’avaient fait ressortir ces réflexions, celui de cosmopolitisme. Mais ni le travail entrepris sur le dialogue culturel ni l’examen des cosmopolitismes sud-asiatiques ne nous ont semblé apporter le dernier mot à la question fondamentale qui s’était imposée entre-temps : celle du rapport à l’autre et de l’apport des autres dans la construction des savoirs sur et dans le monde indien.

Le second angle de réflexion était, quant à lui, d’ordre historiographique et portait plus précisément sur les modes de transmission de ces savoirs. Au sein de ce processus sur le temps long, le caractère dialogique de la construction de l’historiographie sur l’Asie du Sud nous est progressivement apparu comme un des axes les plus fertiles pour faire sens des ruptures, captations et oublis qui ont jalonné cette construction. Histoire, identité et altérité se sont donc naturellement imposées comme les trois « mots-clés » autour desquels un nouvel atelier de recherche avait vocation à se constituer. Ce faisant, nous voulons également élargir la notion de « communautés savantes » à des acteurs moins connus et s’investissant dans la production de savoirs moins « savants » que techniques, ou ressortant des savoirs du quotidien. La recherche que nous développerons dans ce cadre se déploiera en deux volets.

1) Traduction et cadastrage des savoirs sur l’Autre

La réflexion sur la traduction et la traductibilité sera au coeur des préoccupations dans le cadre de cet atelier de recherche réunissant principalement les historiens et tous ceux dont l’objet de recherche porte sur la production des savoirs sur et dans le monde sud-asiatique dans la longue durée. Nous concevons la traduction au sens large du terme. Il ne s’agit pas seulement de penser la traduction entre les langues pour aboutir dans la constitution des textes, mais aussi la traduction (le transfert, le « transcoding ») des images et des imaginaires culturels.

Dans ce vaste champ qu’est la traduction, notre intérêt, en tant que praticiens et usagers de traductions – qui constituent nos sources primaires et nos objets privilégiés de recherche – serait d’engager une critique et analyse de ces pratiques dans une démarche réflexive et historiciste. Il s’agit de réfléchir, simultanément sur nos propres pratiques ainsi que sur les modalités de traduction dans lesquelles nos acteurs historiques inscrivent leurs propres efforts : à quel point et comment les théories et les pratiques de traduction visent consciemment à produire certains types de savoir ? Pour qui et pour quelle fin ? Quelle est la relation entre les théories et les pratiques de traduction? Comment se structure le champ de pouvoir et de traductibilité entre les langues-sources et les langues-récepteurs?

Nous nous intéressons en particulier à la manière dont la situation plurilinguistique et multiculturelle du souscontinent infléchit, à certains moments plus que d’autres, les formations sociales, politiques et épistémiques et comment les langues de savoir, les langues «cosmopolites » et les langues vernaculaires s’inscrivent ou se désinscrivent dans le paysage politique et intellectuel sud-asiatiques et celui du monde.

Par ailleurs, la réflexion sur la traduction est directement liée à la question des rencontres politiques et culturelles/religieuses. Ces dernières peuvent être de différents types : en allant de superficielles et courtes à profondes et durables. Plusieurs membres de cet atelier de recherche étudient déjà, à partir d’autres problématiques, les rencontres importantes pour le paysage sud-asiatiques d’aujourd’hui : entre le sanskrit et le persan à la cour moghole, entre le portugais et les langues savantes et vernaculaires, entre les langues dravidienne et le sanskrit, entre les langues apportant les nouvelles religions et liturgies (syriaque, arabe, latin) et les langues vernaculaires des convertis et des dévots, etc.

Finalement, on se propose d’étudier la traduction en tant que texte et de ce fait un objet particulier dans les littératures savantes et religieuses en Asie du Sud. Il s’agit de 1) travailler d’une manière philologique sur les manuscrits et sur les imprimés pour comprendre les différente manières de faire la traduction et son rapport (ou distance par rapport) à l’original : l’adaptation, recréation, falsification, retraductions ; 2) reconstruire les réseaux de circulation, dissémination et conservation, surtout pour les manuscrits ; 3) comprendre le pouvoir (ou la faiblesse) et le rôle de la traduction dans la formation des canons littéraires et des différentes formes de savoir.

2) Regards croisés sur les historiographies de l’Asie du Sud

Ce second volet entend interroger les relations entre écriture de l’histoire et altérité à plusieurs échelles et à différentes époques. À l’échelle du sous-continent d’abord, il s’agira de se livrer à une première exploration de la question avant l’avènement du Raj britannique sous trois angles principaux :

Écrire l’histoire de l’Autre (religieux, ethnique, social) : quels sont les moments et les contextes sociopolitiques privilégiés pour l’écriture de ces histoires ? Quelles sont les sources (orales, écrites) de cette historiographie ? Quels sont les contours sociologiques et les motivations idéologiques de leurs acteurs (commanditaires, auteurs, traducteurs, copistes, etc.) ?

Quelles sont les relations entre les discours sur le passé produits par les différents groupes constitutifs de la société sud-asiatique avant la période de domination britannique ? Comment ces différents discours s’articulent-ils ? Quelles sont les interactions discursives à l’oeuvre dans les constructions historiographiques contemporaines ? Le passé de l’Autre est-il présent dans ces constructions et, si oui, suivant quelles modalités ?

Quels sont les usages identitaires de l’écriture de l’histoire durant cette période ?

Replaçant ensuite les traditions historiographiques produites dans le sous-continent dans un contexte plus large — tant au niveau chronologique que géographique, il s’agira de mettre au jour leurs interactions avec les historiographies sur l’Asie du Sud issues d’autres régions du monde (certaines proches, comme l’Asie du Sud-Est, d’autres plus lointaines, comme l’Europe ou les États-Unis). Dans cette perspective, on s’attellera à établir une cartographie de ces circulations historiographiques indiquant tant les principaux axes empruntés que les impasses.

On s’intéressera également tout particulièrement à l’impact de ces interactions à l’échelle globale en termes de sources primaires, d’objets d’étude mais aussi de méthodologie, l’Asie du Sud étant ici considérée à la fois comme émettrice et réceptrice. On réunira pour ce faire tant les historiens que d’autres spécialistes de l’Asie du Sud ayant développé une réflexion sur la construction sur le temps long de leur(s) objet(s) d’étude.
 

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