La situation politique indienne est marquée par une instabilité grandissante depuis la révocation, en août dernier, de l’autonomie du Cachemire, au mépris de la Constitution. La coupure totale des moyens de communication dans cet État (téléphone, internet, etc.) rend très difficile l’estimation de l’ampleur de la répression à l’encontre des mouvements de protestation. Depuis décembre dernier, un palier supplémentaire a été franchi dans la dérive autoritaire. L'Inde est en effet secouée par des manifestations de millions de personnes contre le Citizenship Amendment Act, qui couplé avec la mise en place d’un National Register of Citizens, menace de priver de nombreux musulmans de la citoyenneté indienne. La répression policière de ces manifestations a, notamment sur les campus universitaires, été d’une grande violence. Des milices armées s’en sont en outre pris aux manifestants, sous l’œil bienveillant de la police. Les musulmans indiens font face à une rare violence, en particulier dans l'Uttar Pradesh, dirigé par un extrémiste de la mouvance nationaliste hindoue qui a promis de se « venger » (sic) des manifestants par des mesures de rétorsion financière et de confiscation de biens. Des camps de détention sont déjà en cours de construction dans plusieurs états pour recevoir les millions d’individus qui seraient rendus apatrides par ces mesures. La Cour suprême a refusé de tenir une audience d'urgence sur ces lois discriminatoires qui remettent en cause le fondement séculariste de la Constitution, souhaitant attendre d’abord que la violence cesse. Le gouvernement laisse ainsi la répression se déchaîner impunément et gagne du temps pour appliquer une loi qu’il a annoncé être effective à compter du 10 janvier 2020.

Dans un tel contexte, il est légitime de s’interroger sur la santé de l’état de droit indien et la résilience de la démocratie dans ce pays. Celle-ci est-elle en train de se muer en « démocratie ethnique »? Quelle est la place du sécularisme dans les mouvements actuels ? Quelle est la place des minorités dans la société, la politique, et quel est leur rôle dans la contestation actuelle ? Pour en discuter, la revue South Asia Multidisciplinary Academic Journal (SAMAJ), le Centre d’Etudes de l’Inde et de l’Asie du Sud (CEIAS), l'Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS) et l’EHESS en lutte vous invitent à une table ronde réunissant Christophe Jaffrelot (CERI), Nicolas Jaoul (IRIS) et Aminah Mohammad-Arif (CEIAS). La discussion sera introduite par Jules Naudet (CEIAS) et animée par Ingrid Therwath (Courrier International).